Sous le chaos, la vie
Tenir 8 secondes sous l’eau, remonter, plonger à nouveau. On répète cela autant que possible… L’appareil, fixé sur un bibule volant à hélice, prend des photos à intervalle de 5 secondes.
Il fallait donc tenir au moins ce temps, plus celui de se plonger, tout cela synchronisé entre nous. Éprouvant !
Nous étions cinq ce jour-là : Aimée, Benoît, Diego, Katalina et Yoan.
C’était la fin de l’été, un mois avant le grand opening Sous le chaos, la vie à la Galerie Mansart à Paris.
Si ce texte vous parvient avant l’exposition, Save the date (!) :
Le 14 octobre 2021 – 18H 5 rue Payenne, 75004 Paris.
Si ce texte vous parvient dans quelques décennies, vous le lirez sûrement avec un regard amusé ou désabusé, trouvant inefficientes les tentatives des pratiques culturelles à discourir et s’adapter à l’effondrement prédit. Construire des images dans un monde qui s’écroule, procédé généreux en contradictions et paradoxes, vous semblera peut-être un brin naïf. Au fond, et nous le savons peut-être déjà, l’un des moteurs actuels de l’anthropocène sont les images et leurs Pectaoctets stockés dans nos nuages numériques.
L’exposition est initiée par Benoît Barbagli. Il y invite Aimée Fleury qui cosigne des œuvres, en signe certaines, et crée habilement une scénographie spectaculaire notamment dans la pièce du bas aux allures de carrière sous-marine.
Rien n’aurait été possible sans tous les autres, que nous nommerons au fur et à mesure. Car même si l’exposition est présentée comme une monographie il était impossible de penser “Sous le chaos, la vie” autrement que collective. Soutenue, influencée, disputée par toutes les pensées et les actes des artistes et amis qui nous environnent.
À Saint-Cassien nous étions bien loin de Paris. Les instructions étaient pourtant assez simples : faire une nage, en cercle, sous l’eau et nu. À un mètre de la surface, en apnée, étions-nous seulement capables de prévisualiser cette photo dans le WhiteCube ? Immergés, les problématiques écologiques nous paraissaient bien loin et pourtant… Il nous fallait de l’air. La performance reproduite en boucle transforme notre journée en une sorte de rituel subaquatique. Pourquoi cinq ? Pourquoi en cercle ? Pourquoi nous, pourquoi nus ?
Il se passe quelque chose lorsque nous sommes ensemble sous l’eau, entre nous, avec le lac, avec vous. Succinctement, en suspension dans le liquide pré-amniotique : une épiphanie, un effet relativiste, un Déjà-Vu , un bug temporel ? L’eau partout autour nous connecte à la vie. Un lien d’égal à égal à la nature, non dicible mais parfaitement tangible.
Tout cela enregistré dans les entrailles numériques de l’ennemi : le drone. Ce n’est que collectivement, à égalité les uns face aux autres que nous pouvons composer avec la nature. Ni le libéralisme vert, ni l’individualisme post-moderne romantique n’a les clefs d’une telle transition.
Ce n’était pas la seule photo ce jour-là, après une pause bien méritée nous avions de façon tout aussi incongru déplacer les pierres des rives sous marine du lac, un soutien à Sisyphe en somme, nous a soufflé Aimée Fleury. La photographie n’est pas la fin, mais le prétexte à la journée, il permet à cette situation d’exister. Les corps dénudés sont aussi désexualisés, ils se libèrent un tant soit peu du normalisant patriarche. Tout comme le drone, l’appareil est volant, et se passe de main en main, la signature s’oublie dans le moment. À la croisée du spirituel et du politique, l’esthétique crée une éthique de nos perceptions. Avec ces corps nus, n’en déplaise à Instagram et son BoobsFinder qui, incorporant une inégalité de genre numérique, insidieusement normalise nos comportements et nos corps bien au-delà de son réseau.
Deux mois au paravent, 35° à l’ombre, c’était à l’air Saint-Michel, que nous manifestions dans l’espace naturel, armés de banderoles. L’une d’entre elle, affirmait haut et fort en direction du ciel et tous ceux qui nous dépassent, Sous le chaos, la vie. Car, sous le drame de l’anthropocène, de l’image esthètes, toujours la vie resurgit.
Beaucoup d’histoire à raconter sur cette journée et sur chacune des autre qui constitue les photos de cette exposition. Si ce texte constitue une introduction de l’exposition, il n’en constitue pas le résumé, c’est seulement sur place, que vous pourrez découvrir la suite de l’épopée Sous le Chaos, la vie. tel les Structures raisonnées et leur Aménagements sensibles, sur nos tentatives de nous endormir sous l’eau, ou en sur la fabuleuse histoire du très contemporain Carrée Blanc sur fond blanc.
Nous ne pouvons terminer ce texte sans dire merci aux crapauteurs nous ayant accompagné, et se retrouvant par la photographie bien malgré eux soutient de la cause:
Aimée, Armand, Benoit, Camille, Cecile, Celia , Diego, Egles, Evan, Gabriel, Maria, Marie, Mouna, Lea, Katalina, Yoan.
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